James Ellroy
Un géant sur les Quais du Polar
Qu'il évoque Beethoven, qu'il vénère, notamment interprété par Emil Guilels, le considérant comme son meilleur interprète au piano, la 10eme symphonie de Chostakovitch, qu'il écoute chaque jour, tant elle le bonnifie, ou Freddy Otash, l'un des personnages récurrents de son oeuvre, ancien flic du L.A.P.D., devenu détective privé et informateur sulfureux et malsain, de "Confidential", feuille à scandale de Hollywood, James Ellroy fait mouche à tous les coups.
Freddy Otash - Ancien membre du LAPD , détective privé, qui a inspiré James Ellroy |
Invité de marque de cette dixième édition des "Quais du Polar" à Lyon, grand, svelte, d'une décontraction toute américaine, il arborait, en ce samedi matin printanier, une de ces superbes chemises hawaïennes qu'il affectionne particulièrement, et s'est installé à la table où l'attendait François Angelier, l'animateur de l'excellente émission de France Culture "Mauvais genres", en lançant à la salle médusée, mais ravie, un tonitruant "Je suis le chacal", qui déclencha l'hilarité et un tonnerre d'applaudissements.
L'homme est certes un grand showman, mais il sait aussi se montrer très sérieux et critique, lorsqu'il s'exprime sur les dérives et la curiosité malsaine de la presse à scandale, ou les graves persécutions subies par la communauté japonaise après l'attaque de Pearl Arbor, considérant la désillusion comme un des fondements de l'éducation "Moins d'illusions vous aurez, plus heureux vous serez".
L'homme, souvent taxé d'être réactionnaire, ce qu'il assume parfaitement, se revendique comme un homme du passé, fondamentalement américain, et professe une croyance sans faille en l'Amérique, même si dans son oeuvre, il en donne une image souvent très sombre. Au reproche qui lui a été fait de "déconstruire" l'Amérique, sa réponse est non, en insistant à nouveau sur l'importance de l'édification des peuples par la désillusion. A propos de Dudley Smith, figure essentielle de ses derniers romans, il lui attribue le rôle de témoin et de grande figure cachée de l'histoire des Etats-Unis, tant cette notion, si importante à ses yeux, constitue un des principaux ressorts de son oeuvre.
James Ellroy - Les Quais du Polar - Lyon - salle Rameau - le 5 avril 2014 - Photo C. FB |
Enfin, à la question "Pourquoi avoir choisi "Le rôdeur" de Joseph Losey parmi vos films préférés ? Parce que c'est une catastrophe en modèle réduit, un film claustrophobe, une chevauchée fantastique en 87 minutes, et puis la fin est drôle, et c'est un film à petit budget."
Le temps a passé très vite à écouter ce personnage incroyable et incontournable de la littérature américaine, et du roman noir, dont les propos ont été admirablement retransmis par un traducteur remarquable de professionnalisme et de pertinence, le prisme de la traduction étant toujours un peu délicat, et créant parfois une distance entre celui qui s'exprime et le public.
Après son intervention, James Ellroy s'est montré extrêmement accessible et aimable avec le public, venu en nombre, avec notamment de très nombreux jeunes gens, ravis de côtoyer un tel personnage, se prêtant de bonne grâce au photos et aux autographes, ponctuant ses signatures de "Yes Baby, Yes"
Voilà, c'était samedi 5 avril 2014, sur les Pentes de la Croix-Rousse, salle Rameau à Lyon ; un moment d'exception qui aura marqué les esprits des lecteurs de ce grand écrivain, à la personnalité, et à l'oeuvre si singulières, qu'est James Ellroy.
Emil Gilels - Beethoven - sonate n°8
Christine Filiod-Bres
Le 7 avril 2014
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