samedi 14 décembre 2013

Anita BROOKNER - Eloge de l'ombre







Anita BROOKNER





"J'étais à Londres depuis trois semaines, presque un mois, et j'allais finir par faire ce que les gens attendaient de moi, parce que, tel était d'une manière générale, le sort des gens de mon espèce."

Loin de soi - Anita BROOKNER





Parmi les romancières de langue anglaise, Anita Brookner est certainement ma préférée. 

Elle n'a pas le souffle d'une Doris Lessing ou la singularité d'Iris Murdoch, mais j'éprouve pour elle une grande tendresse, et son oeuvre me touche profondément.

Sa finesse d'observation, ses personnages souvent en retrait, en font une remarquable analyste des rapports humains. La notion d'effacement est un des thèmes majeurs de son oeuvre. Elle n'a pas son pareil pour nous décrire de manière très sobre, ces hommes, mais le plus souvent ces femmes, rêveuses et solitaires, qui passent à côté de leur vie de manière inéluctable et tragique.

Mais point de dramaturgie chez Anita Brookner, le malheur est discret et ne dérange personne. Ses héroines voudraient tant qu'on les regarde, mais elles ne pourront jamais entrer dans la lumière, parce que les dés sont pipés dès le départ, que rien ne leur appartient, et surtout,  on ne les laissera pas faire.

On pourrait la rapprocher de l'autre très grande anglaise qu'est Jean Rhys, dont les héroïnes, déclassées et énigmatiques, nous émeuvent par la violence de leur malheur, mais chez Brookner, si la société s'emploie à broyer certains individus, elle le fait en demi-teinte, l'air de rien, mais le résultat en est tout aussi pathétique. Les romans d'Anita Brookner sont comme une "cup of tea", mais sans sucre.






Née en 1928, décédée en 2016, Anita Brookner était Historienne d'art. Spécialiste de la peinture française du XVIIIe et du XIXe siècle, elle a publié des monographies sur Watteau et Greuze et a écrit sur Jacques-Louis David. Elle fut la première femme à occuper la chaire des Beaux Arts de l'Université de Cambridge. Titulaire du prestigieux Booker Prize pour son roman "Hôtel du lac", la plupart de ses livres sont traduits en français.











Christine Filiod-Bres
Vert Céladon







vendredi 6 décembre 2013

Littérature - Mademoiselle S ...



Mademoiselle S ...



Le Grand Meaulnes, Alain Fournier, Isabelle Rivière et Jacques Rivière







Je dois à mon professeur de français, en classe de sixième, Mademoiselle S ..., de m'avoir fait découvrir Alain FOURNIER et son roman "LE GRAND MEAULNES".

Ce professeur, qui enseignait également l'histoire, a beaucoup compté dans ma formation littéraire. Elle avait été une amie très proche, d'Isabelle RIVIERE, soeur d'Alain FOURNIER, épouse de Jacques RIVIERE, meilleur ami de l'écrivain, et futur Directeur de la N.R.F.

C'est à travers cette proximité amicale, avec celle qui fut la gardienne de la mémoire d'Alain FOURNIER, disparu le 22 septembre 1914, sur les Hauts de Meuse, durant la grande guerre de 1914-1918, que toute cette classe de sixième fit connaissance avec ce livre éminemment romanesque qu'est "Le Grand Meaulnes. Je ne sais si on le lit encore, mais cette oeuvre appartient à la liste de ceux qui m'ont laissé une empreinte durable, tant ce roman, très français, au plus beau sens du terme, possède un charme indéfinissable, lié à l'histoire qui unit les deux personnages principaux, Augustin Meaulnes et Yvonne de Galais, ainsi qu'à la description des paysages de Sologne, où se situe l'action.

La figure d'Isabelle RIVIERE, est également très attachante, puisqu'à la mort de son frère, elle s'est consacrée à la publication de ses textes inédits et de sa correspondance. A son propos Alain FOURNIER disait : "Il y a en elle une confiance, une joie et une force cachées, qu'il faut découvrir, comme une source entre les feuilles."


On fête en cette année 2013, le Centenaire du Grand Meaulnes. L'ouvrage parut d'abord en feuilleton à la N.R.F. de juillet à octobre 1913, puis fut édité, Alain FOURNIER ayant consacré huit longues années de sa jeune vie, à l'écriture de ce livre, qui appartient désormais aux "classiques".

Existe-t-il encore des personnes de la trempe de Melle S ... parmi les professeurs de français et d'histoire dans les lycées et collèges ? La mienne appartenait à la race de ceux qui avaient à coeur de transmettre un savoir, tout en sachant intéresser les élèves, en leur racontant une histoire, qui allait leur laisser un souvenir marquant.

Je lui rends hommage aujourd'hui, car je lui dois beaucoup, et elle le mérite amplement.




Alain Fournier - 3/10/1886 - 22/9/1914

Il tombe au tout début de la guerre de 1914 - 1918 et son corps ne sera retrouvé que 77 ans plus tard  dans une fosse commune, avec une vingtaine de ses camarades. 
Il sera inhumé au cimetière militaire de St Rémy la Calonne (Meuse) 


Dans cette lettre datée du 11 septembre 1914, Alain Fournier écrit à sa soeur Isabelle.  Il est très émouvant de lire qu'il a grande confiance dans l'issue de la guerre ... Il mourra quelques jours plus tard, le 22 septembre.


      Alain Fournier

Isabelle Rivière - 1889 - 1971 - Soeur d'Alain Fournier

Jacques Rivière - Ami d'Alain Fournier -  Epoux d'Isabelle Rivière  -  Directeur de la N.R.F.
















  

samedi 16 novembre 2013

Musique








Maria Cristina KIEHR


"Je suis un instrument parmi les autres"



Venue au chant en 1983, Marie Cristina KIEHR, soprano née en Argentine, d'origine danoise, quitte son pays pour étudier le chant baroque auprès de Renée JACOBS à la Scola Cantorum de Bâle, et se spécialise dans ce répertoire.

C'est à Innsbrück, en Autriche, que débute sa carrière en 1988, où elle fonde avec le harpiste Jean-Baptiste AYMES, le Concerto Soave Ensemble, qui se consacre essentiellement à la musique italienne de l'époque baroque.


Elle poursuit, jusqu'à nos jours, une carrière magnifique auprès des plus grands Ensembles de musique ancienne, entre le Concerto Vocale de René Jacobs, le Concerto Köln, l' Ensemble 415,  l'Ensemble Vocal Européen de Philippe Herreweghe, l' Hesperion XX de Jordi Savall, La Fenice de Jean Tubery ... Elle collabore également avec les plus grands chefs, Frans Brüggen, Nicolaus Harnoncourt, et le très grand maître du clavecin, Gustav Leonhardt.


Maria Cristina Kiehr, Jean-Baptiste  Aymes et le Concerto Soave


La discrétion de Maria Cristina KIEHR, n'a d'égale que sa simplicité, qui la porte à fondre sa voix, comme elle le dit, à l'instar "d'un instrument parmi les autres" ...

Et pourtant, qui entend pour la première fois, la suavité de son timbre, la pureté de sa diction, qui touchent à la grâce, ne pourra plus jamais oublier cet instant de la découverte, où on a soudain le sentiment que la vie a un sens, et que nous sommes au monde, pour ressentir parfois une émotion d'une telle intensité, qu'elle restera gravée en nous à jamais.

Il est cependant regrettable que la notoriété de cette merveilleuse interprète soit essentiellement cantonnée au domaine du chant baroque, car elle est hélas bien moins médiatisée que certaines de ses consoeurs, qui abordent des répertoires plus connus, et déclinés parfois ad nauseam, ce qui prive le grand public d'un accès à la beauté à l'état pur.

Je donnerais tout l'or du monde pour la voix de Maria Cristina KIEHR et lui voue une très grande admiration, de même que j'éprouve du respect pour la très belle femme, discrète et réservée qu'elle est, uniquement requise par son chant, qu'elle élève au plus haut rang de l'art occidental.  

Christine Filiod-Bres
15 novembre 2013












mercredi 30 octobre 2013

Littérature - Le Surintendant Fouquet





Le Surintendant Fouquet
Plus dure sera la chute ...



Nicolas Fouquet - 1615 - 1680





A propos du "FOUQUET"

de Jean-Christian PETITFILS


"Que no ascendet". "Jusqu'où ne montera-t-il pas ?"




Telle était la devise de la famille Fouquet. Nicolas Fouquet l'avait admirablement fait sienne, mais il est cependant bel et bien descendu, et de la plus expéditive des manières.

Comme l'a si bien dit Paul Morand : "le 17 août à six heures du soir, Fouquet était roi de la France, à deux heures du matin, il n'était plus rien."

La remarquable étude biographique de Jean-Christian Petitfils, nous livre l'histoire de l'irrésistible ascension de ce fils d'armateurs bretons, qui après avoir traversé sans encombres, les terribles soubresauts de la Fronde, grâce à son intelligence, sa science de la finance, aidé par son entregent, son goût de la manipulation des individus, s'est enrichi  en devenant le plus proche collaborateur du Cardinal Mazarin, alors chargé de l'éducation du jeune Louis XIV, et tout puissant dans le royaume de France.

Nommé Surintendant des Finances, il acquiert une fortune considérable en instaurant un système de réseaux, dont l'auteur nous décrit les infinies ramifications, faisant la pluie et le beau temps sur la distribution des charges et l'octroi des postes, se constituant ainsi une forme de cour avec ses obligés et ses flatteurs. Protecteur des arts et des lettres, Fouquet finance nombre de poètes et musiciens, dont La Fontaine, Molière, Corneille, Lully, Le Nôtre ... qui célébreront sa gloire.

A la mort de Mazarin, il espère devenir le Premier ministre de Louis XIV. Celui-ci en décide autrement, informant de manière laconique et définitive son gouvernement, que c'est lui, désormais, par le truchement de Colbert, qui assumera personnellement les finances et les affaires du royaume, marquant ainsi sa prise de pouvoir absolu, laquelle allait avoir l'influence que l'on sait sur le destin de la France.

C'est le début de la chute du Surintendant, qui, entre temps, avait fait construire, le magnifique château de Vaux-le-Vicomte, où Louis XIV, invité un jour de 1661, au cours d'une fête somptueuse, décida, en son for intérieur, du sort de celui qui avait osé défier, par son rayonnement, celui qui n'était pas encore le Roi Soleil, mais qui, par ce geste fondateur, allait le devenir.

Château de Vaux le Vicomte

Arrêté le 5 septembre 1661, par d'Artagnan, le héros d'Alexandre Dumas, lequel est personnellement missionné par le roi, il est conduit en prison dans l'attente d'un procès instruit à charge par Colbert, pour malversations sur les finances du royaume, le roi et Colbert, ayant pris soin de nommer une cour d'ennemis personnels de celui qui n'est déjà plus le Surintendant.

Les ficelles de l'accusation sont cependant très grosses, et le tribunal spécial a toutes les peines du monde à prouver la culpabilité de Fouquet, qui se défend remarquablement, faisant jouer ses réseaux et sa famille, dont la Marquise de Sévigné, qui lui restera fidèle jusqu'à la fin.

Malgré tout, la cour spéciale condamne Fouquet au bannissement, à celui de sa famille, et de certains de ses amis, et à la déchéance de ses biens. Mais Louis XIV, craignant ses réseaux d'influence, et souhaitant l'empêcher de nuire définitivement, use de son droit régalien, et aggrave la peine en prison à perpétuité.

Louis XIV

Il est conduit, toujours par d'Artagnan, au Donjon de la forteresse de Pignerol dans les Alpes, où Il meurt le 30 avril 1680, après  de longues et rudes années de captivité.

L'intérêt de l'ouvrage de Jean-Christian Petitfils, réside dans le fait qu'il brosse, d'une part, le portrait d'un personnage considérable, par l'ampleur de son rayonnement, basé sur l'édification d'un système financier, complexe et pervers, ainsi que celui d'une époque et d'une société, où la bourgeoisie et la noblesse semblent exclusivement préoccupées de l'accroissement de leurs fortunes respectives, par le biais de l'achat de charges, véritable obsession, de terres, et de l'arrangement des mariages, permettant ainsi l'accroissement des biens.


L'ascension sociale comme fin en soi, pour la bourgeoisie, jusqu'à sa prise du pouvoir lors de la Révolution française, et la tentative de conservation de ses privilèges par la noblesse.

Nicolas Fouquet, un personnage très français, novateur dans son fonctionnement, mais au tempérament aventurier, manipulateur et cynique, dont l'ascension et la chute  devraient faire réfléchir sur la capacité de tout pouvoir politique, à détruire ceux qu'il a élevés, pour mieux les faire déchoir.


Christine Filiod-Bres
22/12/2013



FOUQUET
Jean-Christian Petitfils
Collection Tempus - Poche  





   




samedi 26 octobre 2013

Littérature


Anna Grigorïevna Dostoïevskaïa - 1846 - 1918




"Dostostoïevski - Mémoires d'une vie"

Anna Grigorïevna - Dostoïevskaïa




Quel bonheur de lecture que les mémoires de l'épouse de Dostoïevski. Si "Crime et châtiment" demeure, avec "Guerre et Paix" de Tolstoï, un des livres qui a durablement marqué mon expérience littéraire, j'avoue humblement que je n'avais pas vraiment approfondi la biographie de cet immense écrivain , comme j'avais pu le faire pour Tolstoï par exemple.

Bien sûr, je n'ignorai pas la captivité en Sibérie, sa passion du jeu et ses difficultés financières, mais sans plus. S'il est parfois exact, que derrière chaque grand homme, se profile une femme, on peut dire que c'est vraiment le cas avec Anna Grigorïevna, laquelle nous fait le récit des quatorze ans de leur vie commune, semée d'embûches, de drames, à travers la perte de deux enfants, de la terrible lutte de Dostoïevski contre l'épilepsie, mais le tout transfiguré par l'amour et le respect qui unissait ces deux êtres.

Fiodor Dostoïevski - 1821 - 1891

On y voit un Dostoïevski, miné par une santé précaire, mais toujours vent debout dans les luttes politiques et intellectuelles, très bon père de famille, portant à bout de bras, comme cela se faisait en Russie, la famille de son frère défunt, et celle de sa première épouse. Anna Grigorïevna raconte aussi, lors d'un épisode assez émouvant, à quel point Dostoïevski était littéralement envoûté par le tableau de Raphaël, La Madone Sixtine, au musée de Dresde, où il s'est rendu à plusieurs reprises, uniquement dans le but de l'admirer, et ce pendant des heures.  La mort de l'écrivain, décrite de manière saisissante, figure certainement parmi les plus belles pages du livre.

Devenue l'éditrice attentive, mais ferme, de l'oeuvre de son mari, Anna Grigorïevna, Dostoïevskaïa nous livre un modèle d'amour et de dévouement conjugal, même si la fameuse formule "pour le meilleur et pour le pire" en fut un des fondements.


Christine Filiod-Bres
26 octobre 2013













Editions Le temps retrouvé
Mercure de France - Poche

jeudi 24 octobre 2013

Musique





Sir George Martin - Producteur des Beatles


Sir George Martin
Producteur des Beatles



Pour qui aime les Beatles, et connait leur histoire, la figure de George Martin, leur légendaire producteur, est absolument centrale, dans ce qui fut l'épopée de la révolution opérée par ce groupe dans la musique populaire du XXe siècle.

Le film documentaire qui lui est consacré est très éclairant, voire émouvant parfois,  notamment sur sa jeunesse. On le voit très marqué, comme tous les anglais de son âge, par son passé militaire durant la seconde guerre mondiale, où il évoque son rôle d'observateur dans les avions de chasse de la Fleet Air Arm, aspect de sa biographie, qui impressionnait considérablement les Beatles.

Interrogé longuement dans sa  maison, so british à souhait, souvent en compagnie de son épouse, qui travailla longtemps avec lui, cet homme de grande classe, retrace parfois avec émotion, et beaucoup de pudeur, ce qui fut son parcours au sein des studios d'Abbey Road, et son aventure fabuleuse avec le groupe.  On le voit s'entretenir longuement avec Paul Mc Cartney et Ringo Starr, dans des propos pleins d'humour, riches d'enseignement, et surtout, sans langue de bois.

Le moment clé du film et, à mon sens le plus fort, est celui où il évoque avec franchise, la défection des Beatles, annoncée de manière assez brutale par John Lennon, lequel n'était pas un sentimental, au profit de Phil Spector, autre figure majeure de la production musicale de l'époque. La voix se brise presque, tant la blessure a dû être profonde, peut-être même jamais refermée.



Le film a également le mérite d'éclairer la suite de la carrière de George Martin, après la fin des Beatles, puisqu'il poursuivit de nombreuses collaborations avec, entre autres, Jeff Beck et le Mahavishnu Orchestra.

Intéressante également,  son expérience à Montserrat, île des Caraibes, où il a fondé un studio d'enregistrement très performant, malheureusement dévasté par un ouragan, qui ne laissa de cette belle réalisation, que des décombres.

Très estimé par la communauté de Montserrat, il est à l'origine de la récolte de fonds pour la création d'une salle polyvalente, où la population se retrouve à l'occasion de concerts ou lors de réunions familiales.

Sir George Martin, un producteur remarquable, qui a accompagné une des plus belles aventures musicales du XXe siècle, et un gentleman, au plus beau sens du terme.


Christine Filiod-Bres
23/11/2012

En DVD




Littérature - Doris Lessing




Doris Lessing - Prix Nobel de littérature 2007

Doris Lessing 

 Vaincue par la brousse





Avec "Vaincue par la brousse", publié en 1950, Doris Lessing fit une entrée fracassante en littérature.

Mary, jeune femme active et indépendante de Rhodésie du Sud, est un jour troublée par les propos d'amis, qui s'étonnent de son célibat. Son destin bascule à cet instant là, car elle finira par lier son sort à celui de Dick, un petit fermier, qui peine terriblement à exploiter sa ferme, dans le veld d'Afrique du Sud, écrasé de chaleur, de poussière et de désolation.

La descente aux enfers de Mary, confrontée aux relations troubles qu'elle entretient avec la communauté noire, semble inéluctable, incapable qu'elle est, de s'adapter à sa nouvelle existence, lorsqu'elle s'aperçoit qu'elle s'est fourvoyée. 

Pour préserver le mystère de la lecture, je n'en dirai pas plus sur ce livre très fort, où l'intensité dramatique va crescendo et où la pression sociale qui s'exerce parfois, voire souvent, sur les individus, en constitue le thème majeur.

Prix Nobel de littérature en 2007, Doris Lessing est une extraordinaire observatrice de cette Afrique du Sud, où elle a vécu une partie de sa vie, avant de s'établir en Angleterre dans les années cinquante.

Si j'ai lu et admiré toute son oeuvre passionnante, c'est ce premier roman qui a ma préférence.


Christine Filiod-Bres
2O octobre 2013 








vendredi 18 octobre 2013

Littérature italienne




1921 - 1989


Léonardo SCIASCIA - Un honnête homme du XXe siècle



Leonardo Sciascia est, parmi les écrivains italiens du XXe siècle, celui pour lequel j'éprouve le plus d'intérêt, d'admiration et de respect. Moins connu en France qu' Alberto Moravia, parce que moins médiatisé, excepté peut-être à la fin de sa vie, pour ses prises de position dans l'affaire Aldo Moro, il est pourtant un grand écrivain, dont l'oeuvre, très accessible sur le plan du style, est d'une grande portée intellectuelle et philosophique.


Qu'il s'agisse de relater son expérience d'instituteur auprès des enfants de mineurs de soufre de sa Sicile natale, dans un roman très sobre "Les paroisses de Regalpetra", ou d'aborder le délicat problème de l'omerta qui pèse sur le peuple sicilien, face à la mafia dans "Le jour de la chouette", Sciascia fait toujours preuve d'une extraordinaire lucidité sur les plaies qui affectent cette île qu'il aime profondément, mais sur laquelle il jette un regard parfois terriblement désabusé.


Dans un de ses romans le plus abouti "Le chevalier et la mort", qui à mes yeux représente la quintessence de son art littéraire et de son univers, dans lesquels l'histoire joue un rôle considérable et est une source d'inspiration profonde, on voit un commissaire de police, appelé "l'adjoint", obsédé par la gravure de Dürer "Le chevalier, la mort et le diable", au  point de la conserver auprès de lui durant toute sa carrière, persuadé que la mort et le diable sont à l'oeuvre autour de lui, et ne lui laisseront aucun répit ; peut-être parce que "le diable était las au point de tout abandonner aux hommes qui étaient plus doués que lui."



En 1971, Sciascia publie "Le contexte", livre éminemment politique, puisqu'il aborde les soubresauts terribles qui ont agité l'Italie des années soixante-dix. Ce roman, qui suscita énormément de polémiques, tant dans les rangs de la Démocratie chrétienne que chez les intellectuels de gauche, est lui aussi un constat froid et lucide sur les malversations souterraines à l'oeuvre, devant lesquelles le héros ne peut que constater sa malheureuse impuissance.


Le réalisateur Francesco Rosi a tiré de ce livre un film remarquable "Cadavres exquis", avec Lino Ventura dans le rôle principal, entouré de Charles Vanel, de l'immense Max von Sidow et d'Alain Cuny, lesquels exsudent l'inquiétude et la culpabilité, en attendant la mort qui ne saurait tarder.







Continuant à dénoncer les forfaits à l'oeuvre dans la société, il publie en 1978 "L'Affaire Moro", relative à l'assassinat du leader de la Démocratie chrétienne par les Brigades rouges. Renvoyant dos à dos les protagonistes de  cette affaire sordide, ce livre fera grand bruit et suscitera un immense émoi en Italie, car Sciascia est également éditorialiste au Corriere della Sera, et publie régulièrement dans la presse des papiers polémiques.


Son exposition médiatique, très forte à cette époque, l'entraînera sur la voie d'un engagement politique plus concret, puisqu'il sera élu en 1975 au Conseil municipal de Palerme sur la liste du Parti Communiste, dont il démissionnera deux ans plus tard, en désaccord avec sa ligne. Il se rapprochera ensuite du Parti Radical, sous la bannière duquel il sera élu au Parlement, et c'est durant ce mandat qu'il fera partie de la commission d'enquête relative à l'assassinat d'Aldo Moro.


On ne saurait avoir tout dit de Sciascia, sans évoquer son très grand intérêt pour la littérature française, à laquelle il avait été initié par Vitaliano Brancati, notamment à travers l'oeuvre de Stendhal, pour laquelle il avait une grande admiration.


Leonardo Sciascia aurait, à mon sens, mérité le Prix Nobel. Son oeuvre foisonnante et rigoureuse, de portée universelle, le désignait amplement pour cette distinction.  Il n'en fut rien. Pourquoi ne l'a-t-il pas obtenu ? On ne le saura jamais, si ce n'est que son tempérament discret, ne le prédisposait vraisemblablement pas au lobbying parfois nécessaire dans ce genre d'affaires.


Atteint par le cancer, il s'éteignit le 20 novembre 1989, inhumé dans sa dernière demeure à Racalmuto, le village qui l'avait vu naître, un beau jour de 1921.


Christine Filiod-Bres
octobre 2013







   


Marco Beasley et l'Arpeggiata  

dimanche 13 octobre 2013

Petit poème en prose








 Il pleut chez Guignol


Sur la dalle un moineau égaré


Le surfeur de métal est impénétrable






Christine Filiod-Bres - 13 octobre 2013













Daniel Mille

samedi 5 octobre 2013

Portrait






Dorothy Parker - 1893 - 1967




Dorothy Parker 

"J'ai été riche, j'ai été pauvre, mais croyez-moi, riche c'est mieux."





J'aime beaucoup Dorothy Parker. Journaliste, chroniqueuse, nouvelliste, et scénariste américaine. Son oeuvre, empreinte d'un grand réalisme et d'une belle finesse d'observation, est teintée d'ironie et d'acidité. Elle avait la dent dure et une plume acérée, d'une lucidité sans faille.



Elle était tellement brillante. Hélas, ça ne lui a pas servi à grand chose, bien au contraire, ce qui n'est guère étonnant, et semble être la règle pour ce type de tempérament féminin. Est-ce que ça a vraiment changé ?



Christine Filiod-Bres

4 octobre 2013



















Pendant de nombreuses années, Dorothy Parker fut la seule femme  membre du  fameux groupe
de journalistes, chroniqueurs, intellectuels, dit de "L'Algonquin table"  qui se réunissait chaque fin d'après-midi  dans ce grand hôtel mythique de la Ve avenue et qui fit la pluie et le beau temps sur la vie littéraire et intellectuelle de New York













Portrait







Simone de Beauvoir - 1908 - 1986




Simone de Beauvoir
Mémoires d'une jeune fille rangée




"La grande Sartreuse", c'est ainsi qu'Albert Camus l'avait surnommée. Elle l'avait dragué un temps, mais le méditérranéen  qu'il était, s'était méfié de cette brillante intellectuelle, un peu froide, et n'avait pas donné suite.

On peut dire qu'elle en a avalé des couleuvres au cours de son long parcours avec Jean-Paul Sartre, et je ne suis pas loin de penser qu'elles ont déterminé son engagement féministe et l'avènement de son essai mondialement célèbre "Le deuxième sexe".

Elle lui rendit la monnaie de sa pièce lors de sa très brûlante liaison  avec le romancier américain Nelson Algren, laquelle aurait pu mettre fin à la relation affective et intellectuelle qu'elle entretenait avec le philosophe. Mais il n'en fut rien, et elle demeura indéfectiblement liée à Sartre.

Ses "Mémoires d'une jeune fille rangée" ont marqué plusieurs générations de femmes du vingtième siècle et les jeunes filles de notre époque seraient bien inspirées de les avoir sur leur table de chevet. A côté d'un Amélie Nothomb ou d'un Marc Levy, ça ne nuirait pas à l'affaire.

Christine Filiod-Bres
7 décembre 2012